Le vignoble alsacien est-il en danger ?
Jean-Louis VEZIEN, Directeur du Comité Interprofessionnel des Vins d'Alsace, dresse un bilan de la situation.
Un reportage réalisé par wizdeo
Je reprends un article de David Lefebvre publié dernièrement dans l'Est Agricole et Viticole au sujet de l'esca.
Continuons ce tour des vignerons pour qui les maladies du bois ne posent pas de problème. Ainsi Patrick Meyer à Nothalten dénombre 280 pieds à remplacer en 2009 sur ses 8 hectares, dont une parcelle qui, à elle seule, comptabilise 120 pieds. Pourquoi cette si faible mortalité de 0,3 % ?
La recherche sur les maladies du bois durant ces dix dernières années s’est attachée à identifier les champignons (pathogènes) responsables, pour éventuellement développer une molécule fongicide miracle. Cette voie se trouve fort dépourvue parce qu’il faut admettre que tous les pieds de vignes contiennent les champignons incriminés, et qu’ils font finalement partie de l’écologie du bois de vigne.
Difficile alors d’envisager une stratégie d’éradication des champignons, ce qui signifierait un traitement systématique et préjudiciable à l’équilibre biologique du cep. Pour solutionner le problème, d’autres chercheurs comme Pascal Leconte de l’Inra de Bordeaux ont suggéré de s’intéresser aux facteurs environnementaux responsables du déclenchement du symptôme d’apoplexie, se rapprochant ainsi davantage des thèses fondamentales développées par Claude Bernard (1813-1878) : “Le microbe n'est rien, c'est le terrain qui est tout.” et plus particulièrement en viticulture, celle de Francis Chaboussou sur la trophobiose.
Que dit cette théorie ? De façon très simplifiée, la vigne possède une période de croissance où son azote interne est assimilable, et une autre période, après la floraison, où il ne l’est plus. Et s’il l’est durant cette période post-floraison, alors la plante constitue un terrain privilégié pour les ravageurs qui trouvent en cet azote assimilable une source de prolifération. Une des règles de la trophobiose est de respecter les cycles, par exemple de ne pas travailler la terre en été, car la minéralisation du sol qui en découle est source d’azote assimilable pour la plante ce qui la sensibilise aux maladies.
A Nothalten, Patrick Meyer est un adepte de la conservation des sols de puis bien des années. Respectant ces cycles, il ne désorganise jamais les horizons pédologiques de ses sols en été. Et il exclut les labours profonds. Cela ne veut pas dire que les labours sont la cause de l’esca, mais ce respect des cycles et le non-labour s’inscrit dans une démarche globale afin de rendre des sols plus vivants. Plus particulièrement vis-à-vis des maladies du bois, depuis plus de cinq ans, les têtes de saule de ce domaine sont entièrement badigeonnées avec un mélange de bouse et de tisane. Cette pratique en lien avec une démarche agroécologique visant à stimuler la biologie des sols donne ce résultat surprenant depuis 5 ans. En 2009, il dénombre 280 pieds morts sur son exploitation de 8 ha dont 120 pieds à remplacer pour une seule parcelle. Ce qui donne en tout 0,7 % de mortalité et même 0,3 % si on exclut la parcelle à problème.
Difficile sur cette observation d’ignorer les thèses de Francis Chaboussou et de Pascal Leconte. Et surtout de penser qu’il n’y a pas de remède biologique à l’esca.
Approche biodynamique : Pourquoi un badigeonnage à la bouse ?
Il faut relier cette pratique à la vision anthroposophique (botanique goethéenne) du cep de vigne. L’observation de la morphologie du cep et des organes conduit à penser que la vigne est une plante particulièrement tournée vers la terre. La vigne est une liane, elle est rampante, et ses organes comme la grappe sont orientés vers la terre. De plus, l'analyse de ses cendres résiduelles révèle l'importance du calcium, un élément terre.
Une vision incongrue ?
Peut-être mais elle explique que la souche est colonisée par des champignons telluriques. Quelle conséquence en biodynamie ? Tout ce qui stimule et équilibre la vie des sols stimulera par la même occasion les champignons du cep. Et ce qui équilibre la vie des sols équilibre également l’écosystème du pied de vigne.
Or, s’agissant des maladies du bois, de plus en plus de chercheurs sont amenés à considérer qu’elles sont liées à des déséquilibres entre les différents champignons dans la souche dont certains s'imposent au détriment d’autres et provoquent le symptôme d'apoplexie. Le soin consiste alors à appliquer des produits naturels comme la bouse de vache ou des turricules de vers de terre qui stimulent la biologie. Il intéressant de relever que les champignons trichoderma sont telluriques.
David Lefebvre
L'Est Agricole et Viticole
« Une partie de l’esclavage mental qu’est l’agriculture tient au fait qu’on se dit toujours qu’il fait trop chaud où trop froid, trop humide où trop sec, où qu’une tempête risque d’abîmer les fruits. » Jim Harrisson
La viticulture n’est peut être pas totalement un "esclavage mental" mais une chose est certaine les excès climatiques du millésimes 2009 nous fournissent encore quelques « trop » et « pas assez » pour alimenter nos conversations.
Un printemps prometteur nous annonçait une récolte réduite et qualitative, un début d’été pluvieux nous offrira finalement la quantité.
Luminosité, chaleur, températures nocturnes élevées et peut être excès de CO2 dans l’atmosphère activeront la vigne, usine photosynthétique en août et septembre.
Dans ces conditions, les raisins sont donc gorgés de lumière et de chaleur, ce que l’on retrouve naturellement dans les vins de 2009.
Il est toujours délicat de trop généraliser, mais là où 2008 nous apportait des vins sous tension, minéraux, réservés voire austères ; les 2009 sont déjà plus ouverts quelquefois exubérants gras, généreux et opulents. Dans l’ensemble, les 2008 étaient équilibrés autour de leur acidité alors que 2009 s’harmonisent plutôt grâce à la force alcoolique. Les teneurs en sucres à la récolte et les rendements alcooliques impressionnants nous donnent des vins tout en puissance. Même les cépages faiblement alcoologènes comme le riesling et le sylvaner atteignent des titres alcooliques en puissance élevés.
L’influence « atmosphérique » de l’été se traduit également par des acidités affaiblies une bonne part de l’acide malique ayant été brûlé par le soleil. Les expression des cépages sont plutôt fortes, encouragés par une forte influence foliaire, ce qui nous donne des vins aux plaisirs immédiats et évidents.
Autre conséquence des contrastes climatiques de 2009 (sécheresse précédée d’une période plutôt humide), une richesse des moûts en composés azotés : azote minéral, peptides et protéines.
Selon les sols et le type de conduite, les vignes réagissent différemment à l’influence climatique, les vins de 2009 en sont les témoins. Les vins issus de vignes âgées, de terrains favorables à un enracinement profond ou de ceux à forte réserve hydrique, de parcelles dont les pratiques culturales favorisent une expression plus racinaire que foliaire sont en général moins "solaires". Dans ces cas, le sol joue pleinement son rôle de tampon et vient tempérer les excès climatiques, les vins gardent plus de fraîcheur, les acidités sont plus ou moins préservées et la composante minérale reste perceptible.
Dans notre contexte de réchauffement climatique, il semble que 2009 soit un avant goût de ce que les climatologues nous promettent pour demain : un glissement de notre climat continental vers un régime de plus en plus méditerranéen à savoir forte précipitations au printemps précédant des phases de sécheresse plus où moins violentes. En période estivale l’essentiel des précipitations se résument à des pluies d’orage.
2009 nous donne des vins de plaisirs faciles, au fruité gourmand, mais ce millésime est également un annonce ou un avertissement d’un climat qui change.
Pierre Sanchez et Xavier Couturier
Duo Oenologie
101 route du Maréchal Foch
67730 CHATENOIS
Monsieur HUGEL,
Il y a des discours que j’ai du mal à accepter surtout lorsqu’ils sont tenus sur des médias étrangers, par ceux qui sont sensés défendre la notoriété de la viticulture alsacienne et profitent des efforts considérables de l’interprofession pour promouvoir les vins d’Alsace à l’étranger. C’est le cas de vos récentes déclarations publiées dans la revue DECANTER afin de justifier les raisons qui font que vous ne revendiquez pas les terroirs dont vos vins sont issus.
Alors que la viticulture française doit faire face aux attaques menées sur différents fronts par les cercles hygiénistes et par le libéralisme de la commission européenne, alors que les marchés à l’export sont davantage confrontés à la crise, quel l’intérêt peut trouver un négociant alsacien réputé, à critiquer avec virulence les Grands Crus d’Alsace « qui manqueraient de crédibilité et d’ambition ».
La plupart des vignerons font preuve de beaucoup de générosité, de conviction et d’idéalisme dans leur démarche, cependant leur activité comme la vôtre reste soumise à des contingences commerciales. Que ces contingences se soient manifestées lors de la création de l’AOC Alsace Grand Cru n’est pas surprenant mais de là à opposer un négociant vertueux dont la démarche est fondée sur l’éthique à une bande de vignerons aux intentions bassement mercantiles, c’est un peu forcer le trait et laisse supposer que vous possédez le monopole de l’éthique.
Si les Grands Crus « manquent d’ambition » alors pourquoi n’avez-vous pas montré la voie à l’intérieur du système au lieu de vous réfugier dans une AOC Alsace encore moins contraignante ?
Fort de vos 370 années d’expérience, vous auriez pu servir vos terroirs par une viticulture plus exigeante et plus respectueuse de l’environnement que ne le demandent les textes, comme le font certains de vos collègues engagés dans la démarche terroir et ardents défenseurs du vignoble. Vous auriez aussi pu ne revendiquer que les parcelles que vous jugez dignes de faire partie des Grands Crus historiques du Sporen et du Schoenenbourg. Cette démarche aurait été tout à votre honneur et ce devoir d’exigence vous aurait alors placé dans une position incontestable.
Non Monsieur HUGEL je n’accepte pas votre discours qui consiste à dénigrer l’Alsace à l’étranger. Cela ne vous sert pas, cela ne sert pas le vignoble et moi qui ne suis pourtant qu’un alsacien d’adoption, ça me gêne.
Philippe BON