Bien que le dernier numéro du magazine des vins d’Alsace PASSION VIN soit paru il y a maintenant quelques mois, je reviens sur un article intitulé “Question d’identité” signé par Claude MULLER.
Faisant référence aux récents débats politiques autour de la question d’identité, l’auteur, Professeur à l’Université de Strasbourg et Directeur de l’Institut d’Histoire d’Alsace, considère que ce terme d’identité pose également problème dans la viticulture alsacienne.
Dans son argumentation construite autour de nombreux exemples historiques, il évoque l’ordonnance du 2 novembre1945, le texte fondateur de la viticulture alsacienne moderne en ces termes surprenants. : « Empressons nous de souligner le caractère ringard de ce texte. L’Alsace, à la traîne du point de vue viticole, hérite d’un texte différent de ce qui existe en France. ».
Pour ma part, je préfère retenir le caractère novateur de ce texte qui trouve son origine dans le projet de statut des appellations d’origine Alsace élaboré par l’AVA (Association des Viticulteurs d’Alsace) au cours des années 30 et présenté en 1939 au comité national de l’INAO.
Avec courage et intelligence les vignerons alsaciens ont ainsi montré qu’ils étaient capables de prendre leur avenir en main en mettant en œuvre une politique qualitative dans un vignoble dévasté où tout était à reconstruire. Alors à quel titre peut-on regretter que les cépages peu qualitatifs comme le Burger ou les nombreux hybrides qui occupaient une grande partie du vignoble aient été écartés au profit des cépages nobles comme le Riesling, le Traminer et quelques autres ?
La création d’un Comité d’Expert des Vins d’Alsace qui constitue la grande particularité régionale issue de ce texte, mérite également d’être saluée. C’est grâce à cet organisme dont les pouvoirs ont été renforcés par la loi du 2 janvier 1970, le mérite en revient à Marcel BLANCK et son équipe, que l’Alsace a pu faire valoir et profiter de son particularisme.
L’histoire de l’Alsace est faite d’exceptions, pourquoi l’histoire de sa viticulture aurait elle dû y échapper ?
La loi BOROCCO de 1972 qui impose la mise en bouteille des vins d’Alsace uniquement dans les départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin et rend obligatoire la vente uniquement dans ce contenant est également une particularité locale. Sans elle bien des structures auraient disparu du paysage alsacien et la bonne santé du vignoble lui doit beaucoup. Ce n’est pas pour rien que d’autres régions ont à une certaine époque essayé d’obtenir le même privilège.
En conclusion Claude MULLER relève « qu’il apparaît finalement un fil conducteur : le primat du commerce sur toute autre considération, y compris ampélographique ».
Là encore je ne partage pas son analyse.
Commerce serait-il un gros mot ?
Existe-t-il des secteurs d’activité où l’on a établi des règles de fonctionnement sans prendre en considération les données commerciales ?
Le vigneron pour faire son vin a besoin de disposer de vignes et de matériels qui ne sont pas gratuits. Doit-on lui reprocher d’essayer de tirer bénéfice de son travail ?
Les plus anciennes délimitations alsaciennes avaient déjà pour objectif de préserver des intérêts commerciaux. En 1932 à Ammerschwhir le Kaefferkopf fut délimité parce que quelques vignerons des communes environnantes revendiquaient semble t-il ce terroir sans y posséder des vignes. Je doute que les motivations ne furent pas identiques dans les autres régions même à des périodes plus anciennes.
Bien que je ne partage pas toutes les analyses de Claude MULLER, j’invite toutefois ceux qui s’intéressent à la viticulture alsacienne à se procurer son livre intitulé : Alsace, Une civilisation de la vigne - Du VIIIe siècle à nos jours, Editions Place Stanislas, qui reste un ouvrage de référence.