En Combi VW sur l’autoroute qui mène en Bourgogne, j’accompagne Lucas RIEFFEL parti chercher quelques barriques d’un vin chez des collègues vignerons. Dans les enceintes du lecteur CD, la trompette de Nils Peter MOLVAER, qui n’est pas sans rappeler celle de Miles DAVIES des années 70, éructe, pleure, déchire les nappes sonores qui se succèdent. « De la musique sans soufre » précise Lucas.
Mais revenons en aux barriques, les vignerons alsaciens utilisent-ils des barriques ?
Il est vrai que la tradition alsacienne veut que l’on vinifie en grands contenants. Historiquement c’est le foudre de chêne, d’un volume de 25 et 100 hectolitres, qui reste la norme. Maintenant la cuve en inox, plus facile à entretenir, tend à le remplacer mais les barriques dites bourguignonnes de 228 litres sont également utilisées.
Pour les rouges j’imagine ?
Oui bien sûr pour les rouges. Bon nombre de vignerons ont compris que le Pinot Noir d’Alsace n’avait rien à envier à son voisin de Bourgogne pour peu qu’il soit planté dans des terroirs adéquats, que l’on conduise la vigne avec rigueur pour en restreindre le rendement et que l’on prête une attention particulière à sa vinification et à son élevage.
Et pour les blancs ?
Là c’est très différent. André OSTERTAG est le premier vigneron à avoir commencé il y a une vingtaine d’année à élever une grande partie de ses vins blancs en barriques. Patrick MEYER utilise également la barrique pour certaines cuvées, menant parfois même des élevages sous voile. Et puis il y a aussi ZIND-HUMBRECHT et Marc TEMPE qui élèvent leurs liquoreux en barrique ou en demi-muid de 600 litres.
Pour ma part, c’est en 1998 que j’ai élevé mon premier Pinot Gris en barrique et aujourd’hui tous mes Pinot, noirs, gris et blancs font leurs fermentations puis leur élevage dans ce contenant pendant une période de 9 à 18 mois avant d’être mis en bouteille.
Mais quel est l’intérêt d’utiliser des barriques ?
L’avantage principal de la barrique réside dans le fait que la surface d’échange entre le vin et ses lies est beaucoup plus grande que dans tout autre contenant ce qui permet aux vins de gagner en gras et aussi parce que les échanges gazeux avec l’extérieur sont plus importants du fait de la porosité du bois. Mais surtout, l’élevage en barrique permet de mieux intégrer l’alcool et ainsi d’obtenir par exemple un Pinot Gris sec, qui malgré ses 14°, ne soit pas brûlant.
Ne crains-tu pas que cette pratique dénature le caractère alsacien de tes vins ?
Si l’Alsace est réputée pour le caractère fruité et quelque fois facile de ses vins, je ne vois pas en quoi ceux-ci perdraient leur identité dans un élevage en barrique. Je ne recherche pas l’apport d’un caractère boisé, c’est pour cela que je n’utilise pas de barriques neuves. Je souhaite simplement faire des vins structurés, fondus et complets qui restent très typés Alsace par le fonctionnement de leur acidité.
Et tes vins, ils sont sans soufre comme la musique de MOLVAER ?
Je fais chaque année une cuvée de Pinot Noir Nature sans ajout de sulfites et pour les autres cuvées j’ai pour habitude de m’en tenir à un sulfitage léger à la mise pour que les vins soient détendus et incisifs à la fois, comme la musique de MOLVAER.
Le mois prochain, les rouges du dernier millésime seront mis en bouteille. Cette année plus que jamais il faudra faire vite pour se procurer les cuvées Nature, Kreuzel et Runz en raison du faible volume offert en 2010. Moins puissants que les 2009, il possèdent une subtilité remarquable et beaucoup de tension.
A ceux qui recherchent un Pinot Gris sec de gastronomie, ce qui n'est pas toujours aisé, je recommande la Colline aux Escargots 2008. Issue du Grand Cru Kirchberg de Barr cette cuvée possède une harmonie qui tient à la fois de la puissance du terroir et du gras apporté par les 16 mois d’élevage.
Domaine André RIEFFEL
Lucas RIEFFEL
11, rue Principale 67140 MITTELBERGHEIM
Tel : 03 88 08 95 48
Agriculture Biologique en cours de certification
Site : www.andrerieffel.com
Mail : andre.rieffel@wanadoo.fr