Monsieur HUGEL,
Il y a des discours que j’ai du mal à accepter surtout lorsqu’ils sont tenus sur des médias étrangers, par ceux qui sont sensés défendre la notoriété de la viticulture alsacienne et profitent des efforts considérables de l’interprofession pour promouvoir les vins d’Alsace à l’étranger. C’est le cas de vos récentes déclarations publiées dans la revue DECANTER afin de justifier les raisons qui font que vous ne revendiquez pas les terroirs dont vos vins sont issus.
Alors que la viticulture française doit faire face aux attaques menées sur différents fronts par les cercles hygiénistes et par le libéralisme de la commission européenne, alors que les marchés à l’export sont davantage confrontés à la crise, quel l’intérêt peut trouver un négociant alsacien réputé, à critiquer avec virulence les Grands Crus d’Alsace « qui manqueraient de crédibilité et d’ambition ».
La plupart des vignerons font preuve de beaucoup de générosité, de conviction et d’idéalisme dans leur démarche, cependant leur activité comme la vôtre reste soumise à des contingences commerciales. Que ces contingences se soient manifestées lors de la création de l’AOC Alsace Grand Cru n’est pas surprenant mais de là à opposer un négociant vertueux dont la démarche est fondée sur l’éthique à une bande de vignerons aux intentions bassement mercantiles, c’est un peu forcer le trait et laisse supposer que vous possédez le monopole de l’éthique.
Si les Grands Crus « manquent d’ambition » alors pourquoi n’avez-vous pas montré la voie à l’intérieur du système au lieu de vous réfugier dans une AOC Alsace encore moins contraignante ?
Fort de vos 370 années d’expérience, vous auriez pu servir vos terroirs par une viticulture plus exigeante et plus respectueuse de l’environnement que ne le demandent les textes, comme le font certains de vos collègues engagés dans la démarche terroir et ardents défenseurs du vignoble. Vous auriez aussi pu ne revendiquer que les parcelles que vous jugez dignes de faire partie des Grands Crus historiques du Sporen et du Schoenenbourg. Cette démarche aurait été tout à votre honneur et ce devoir d’exigence vous aurait alors placé dans une position incontestable.
Non Monsieur HUGEL je n’accepte pas votre discours qui consiste à dénigrer l’Alsace à l’étranger. Cela ne vous sert pas, cela ne sert pas le vignoble et moi qui ne suis pourtant qu’un alsacien d’adoption, ça me gêne.
Philippe BON