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28 septembre 2012 5 28 /09 /septembre /2012 14:48

 

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La question en elle-même pose problème, relève Didier BONNET, journaliste spécialiste du secteur viticole, qui anime un Club de la Presse à l’étage de la Winstub Zum Strissel ce jeudi 27 septembre. Pourtant, alors que les vendanges battent leur plein, il reste du devoir des journalistes de contrôler l’information qui leur est transmise par des instances viticoles qui se félicitent parfois un peu rapidement des indicateurs flatteurs en oubliant d’évoquer ceux qui le sont moins.

 

Sans être dramatique, la situation du vignoble reste cependant préoccupante. Les ventes sont en retrait sur le marché national et les prix de vente du raisin ne sont pas au beau fixe. Alors même si l’on peut se réjouir d’une progression des ventes à l’export, il est juste de s’interroger sur la question initiale.

 

Autour de Didier BONNET, deux intervenants de qualité en la personne de Jean-Michel DEISS que l’on ne présente plus et de Serge FLEISCHER, Directeur de la Cave Arthur METZ qui compte parmi les plus importantes structures de négoce.

 

Serge FLEISCHER : « Le vignoble alsacien subit comme les autres secteurs d’activité l’augmentation des charges qui pèse sur les entreprises et le marché du vin est de plus en plus concurrentiel. La situation est la plus difficile pour les vins d’entrée de gamme qui doivent affronter la concurrence de vins qualitativement satisfaisants, produits dans d’autres pays que le nôtre. L’offre est pléthorique. »

 

 

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Jean-Michel DEISS : « S’il y a crise, c’est d’abord une crise de confiance, d’identité qui accompagne une crise économique. La libéralisation consécutive aux négociations du GATT a provoqué une mutation du rôle du vin. Le vin libéralisé n’est plus le fruit du raisin. Il a perdu sa dimension mystique, éthique. Une nouvelle catégorie de vins voit le jour, ce sont les Vins Sans Indication Géographique. Produits sans aucune contrainte ils répondent à un marché qui s’est mondialisé. Personne dans la profession n’a jugé utile de prendre en compte cette évolution ni d’en tirer les conséquences afin d’en faire un atout plutôt que de la subir. Il reste que depuis 10 ans, le prix du raisin n’a augmenté que de 4%, ce qui revient à dire que sa rémunération a chuté de 25 à 30%. »

 

Serge FLEISCHER : « Ces quinze dernières années, le vignoble alsacien a augmenté significativement la qualité de sa production. Cependant son handicap réside dans le fait que ses efforts n’ont pas été valorisés. En recherchant dans les archives de la maison, je me suis rendu compte qu’en 1981 la bouteille de Crémant se vendait 25 Francs alors qu’aujourd’hui elle est vendue moins cher. C’est le constat d’échec de la filière. D’autre part, le positionnement bâti sur le cépage en oubliant la référence au terroir conduit dans l’impasse. On ne peut tout positionner sur le cépage. La concurrence tire les prix vers le bas.

 

Jean-Michel DEISS : « Nous ne sommes pas assez fier de nos terroirs. Ce sont eux qui constituent notre identité, ils sont l’essence et le sens de l’AOC. Ceux qui veulent conserver l’AOC pour tous les segments de vin se trompent. Ca ne marche pas. Il n’est pas possible de conserver dans la même famille des vins d’entrée de gamme vendus à 3 € avec ceux qui sont vendus dix fois plus cher. Et c’est bien là que réside le problème. »

 

Didier BONNET : « Quelles solutions s’offrent à nous ? »

 

Jean-Michel DEISS : « Il faut segmenter les vins de haut de gamme, de milieu de gamme et ceux du début de gamme qui doivent répondre à des contraintes allégées afin de pouvoir produire un vin compétitif du point de vue tarifaire et qualitatif sur son segment de marché. »

 

 

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Serge FLEISCHER : « Le nouveau système de distribution du vin dans le monde n’offre pas de la place pour tout le monde. Si, il y a une dizaine d’année chez un caviste londonien les vins français étaient présents sur un linéaire de sept mètres de long, aujourd’hui ils doivent se contenter de moins du quart car la place initiale car l’espace est maintenant occupé par des vins issus d’autres origines. Tous les vignobles ont le même problème. Il faut être capable de produire des vins de cépage concurrentiels et rémunérateurs mais aussi clarifier notre offre. »

 

Jean-Michel DEISS : « On veut couvrir tous les segments de marché dans le cadre unique d’un cahier des charges. C’est impossible. Notre AOC est une prison. Elle est trop restrictive pour celui qui veut produire un vin de cépage compétitif et trop laxiste avec ceux qui veulent produire des vins de haut de gamme. Il faut rendre à l’AOC son objet, celui de produire un vin éthique en renonçant à la chaptalisation et à l’acidification. Les meilleurs producteurs ont déjà fait ce pas. »

 

Serge FLEISCHER : « Il est paradoxal de constater que malgré la crise, le foncier reste cher. C’est irréaliste. »

 

Jean-Michel DEISS : « On gagnera la bataille des bouteilles par la bataille des idées. Comme la Californie nous sommes à la recherche de nos terroirs, de notre identité. Début 2013, je vais créer une Université des Grands Vins avec pour objectif de rassembler, professionnels et amateurs autour de la conquête de la reconnaissance de nos vins dans la famille des Grands Vins. »

 

L’analyse faite par les deux intervenants, l’un issu du négoce, l’autre de la production indépendante est identique. Je ne sais si Jérôme BAUER, le nouveau Président de l’AVA, sera sensible aux arguments apportés et s’il partage les propositions qui ont été faites. Très récemment, il réclamait l’union de toutes les familles du vignoble pour sortir par le haut. Un début d’union existe, reste à convaincre les vignerons indépendants, les apporteurs de raisins, les structures de négoce et les coopératives de les rejoindre, ou bien de faire à la profession, des propositions qui tiennent compte d’un marché actuel qui nécessite de profondes mutations.

 

Lorsqu’à la fin des années 60, Marcel BLANCK rassembla autour de lui ceux qui ont permis à la viticulture alsacienne de sortir du marasme, il a dû faire face à de nombreux opposants et quelques décisions ont été lourdes de conséquences pour certains qui acceptaient mal tout changement. Qui aujourd’hui, regrette ce qui a été fait parfois dans la douleur ?

 

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