L’élevage mais surtout la mise en bouteille du vin sans aucun ajout de sulfites est un exercice périlleux. Moins de 10 vignerons alsaciens s’y essayent chaque année sur l’une ou l’autre de leurs cuvées de rouge ou de blanc, le reste de leur production subissant un sulfitage léger, entre 5 et 20 mg par litre, lors de la mise.
Le plus souvent ceux qui font le choix de limiter au maximum voire de supprimer l’apport d’anhydride sulfureux conduisent leurs vignes en Biodynamie, aussi il n’est pas surprenant que l’un d’eux ait souhaité appliquer en cave les mêmes principes homéopathiques que dans la vigne en remplaçant le sulfitage par une information au soufre natif.
Patrick MEYER, puisque c’est de lui qu’il s’agit, a réalisé sur le dernier millésime la quasi-totalité de ses mises en informant ses vins avec des dilutions de soufre. Seules trois cuvées, un Muscat, un Gewurztraminer et un vin d’assemblage, ont cependant été mises en bouteille dans la même heure et selon le même processus en deux versions, l’une avec une information au soufre, l’autre plus classiquement après un sulfitage anecdotique de 10 mg par litre au SO2. L’intérêt de l’opération résidant dans la possibilité qui est donnée de comparer les deux expressions.
A la dégustation les paires de vins présentent respectivement des profils très différents.
Le Gewurztraminer informé offre une aromatique plus réservée accompagnée d’une légère réduction mais surtout beaucoup plus de fraîcheur que le vin sulfité légèrement. Mais la grande différence porte sur la perception de l’alcool, bien plus digeste dans la version informée. Le Muscat informé ne présente quant à lui aucune contraction et un croquant plus frais que sa version sulfitée. Les mêmes remarques valent sur la cuvée d’assemblage.
En Alsace, les premiers essais d’information au soufre, ont été menés il y a deux ans sur des vins du Domaine Julien Meyer par Pierre Sanchez et Xavier Couturier du Laboratoire Duo Œnologie. Dans un premier temps des dilutions de soufre natif allant de CH 1 à CH 60 ont été réalisées et appliquées en laboratoire sur des vins n’ayant jamais été sulfités.
Il est apparu, selon les dilutions utilisées, des effets synergiques antagonistes ou nuls allant de la réduction à l’oxydation. Ces effets apparaissant toujours dans un délai très court après la réception de l’information.
Quatre dilutions ont été retenues car elles allaient dans le sens recherché par Patrick, à savoir, retrouver en bouteille la même expression tendue avec une finale qui claque telle qu’il la connaît en cuve.
La seconde partie de l’expérimentation a consisté à réaliser des mises en bouteille à partir d’un tirage direct sur fût avec à chaque fois des échantillons non sulfités, d’autres sulfités à 10 mg et les suivants informés avec les quatre dilutions retenues. De nombreuses dégustations comparatives réalisées à l’aveugle ont ensuite permis de faire le choix de la dilution répondant le mieux aux souhaits du vigneron.
La première mise en bouteille de vin informé, dans des conditions classiques, a été réalisée en 2010 sur deux Riesling dont le Grittermatte 2009. Les résultats satisfaisants qui ont été obtenus permettent maintenant à Patrick Meyer d’étendre le procédé à l’ensemble de ses vins.
Même si ceux qui ne se tiennent qu’aux « preuves scientifiques » pourront toujours sourire et critiquer, j’invite les autres à venir découvrir et juger par eux-mêmes des résultats obtenus. Car n’oublions pas que c’est grâce aux expérimentations menées 20 ans avant par d’autres, que certains Domaines sont présentés aujourd’hui comme les précurseurs de la Biodynamie.