A l’appel de l’AVA, qui quelques jours auparavant avait réuni les Présidents des Syndicats Viticoles à Scherwiller afin de les consulter et d’obtenir leur accord, ils sont près de 4000 vignerons à s’être déplacés pour crier leur colère de ne pas être entendus par le Ministère de l’Agriculture mais aussi pour exprimer leur mécontentement face à l’augmentation de la pression fiscale.
A l’origine de ce mouvement de protestation, l’attitude de certains négociants du Quai de Bercy dans la région parisienne, soupçonnés de commercialiser sous l’Appellation d’Origine Contrôlée Alsace, des vins d’assemblage issus pour partie de provenances incertaines.
Marcel BLANCK s’était ému à de nombreuses reprises de cette situation désastreuse pour l’image des vins d’Alsace. Aussi c’est en concertation avec Pierre GRESSER, Directeur de la coopérative de Bennwihr, Alphonse HAAG, Président des coopératives, et quelques autres qu’il propose de riposter en demandant qu’un texte de loi rendant obligatoire la mise en bouteille des Vins d’Alsace dans leur région d’origine soit promulgué.
Devant le peu d’empressement du ministère, soucieux de ne pas créer un précédent susceptible de générer d’autres demandes, et également en raison des nombreuses démarches toujours restées sans suite, il est décidé d’organiser une manifestation qui fera la preuve de la détermination des vignerons alsaciens.
D’autre part, l’augmentation de la pression fiscale considérée comme intolérable motive les plus réticents à venir manifester.
Au petit matin de ce jeudi 20 avril de nombreux véhicules convergent vers la place Rapp à Colmar, lieu de rassemblement de la manifestation. La date n’a pas été choisie au hasard car il fallait pouvoir disposer des autobus chargés habituellement du transport des écoliers pour conduire les manifestants sur place et le jeudi était à l’époque le jour de repos des scolaires.
Vignerons manipulants, coopérateurs, courtiers et négociants forment un cortège bruyant encadré par un service d’ordre dont Raymond BALTENWECK est responsable. Les présidents des différents syndicats locaux sont entourés par leurs adhérents et veillent à éviter tout débordement. Raymond Kaufmann sur son tracteur tire une remorque qui porte un mannequin pendu à une potence symbolisant la difficulté de la profession de vigneron qui est étranglé par l’impôt.
En tête du cortège on trouve les présidents des associations viticoles, les représentants de la Chambre d’Agriculture et les élus des communes viticoles. Le député BOROCCO, ancien résistant et très influent auprès du parti gaulliste, apporte son soutien aux revendications. Marcel BLANCK, Président de l’AVA, tient le micro et donne le ton revendicatif à la manifestation.
François MUHLBERGER, Président de la sous-région de Molsheim se souvient : “Je suis arrivé à la tête de vingt bus qui transportaient les vignerons de mon secteur, nous portions des pancartes sur lesquelles figuraient nos revendications. Quand nous sommes arrivés devant la préfecture, j’ai aperçu Théo FALLER qui nous attendait là sous un arbre. Bien que favorable à notre cause il n’avait pas osé participer au défilé, sans doute en raison de ses responsabilités politiques car il était alors Conseiller Général“.
La Fédération des Coopératives vinicoles d’Alsace, solidaire avec les autres familles professionnelles de la viticulture, s’insurge contre les entraves portées par les pouvoirs publics à l’organisation économique du vin d’Alsace. Dans un communiqué qui résume les revendications de l’ensemble des manifestants, elle demande :
- Que soit promulgué sans tarder un texte en faveur de la mise d’origine obligatoire des vins d’Alsace dans l’aire de production.
- Que la fiscalité outrancière incombant aux producteurs soit adaptée aux réalités économiques des exploitations.
- Que le taux excessif de la TVA appliqué au vin soit rapporté au taux des autres produits agricoles.
Arrivé devant la préfecture, les manifestants se montrent plus pressants et les grilles qui ferment la cour sont soumises à rude épreuve. Bernard MULLER, Président de la coopérative de Wuenheim, calme les troupes afin d’éviter l’intervention des CRS qui, bien que restés en retrait à l’arrière du bâtiment, sont prêts à entrer en action.