La dégustation s'est déroulée en deux temps, tout d'abord un tour de cave pour apprécier la qualité du millésime 2007, puis quelques vins en bouteilles, dont certains seront servis par paire afin de comparer les versions avec et sans soufre.
Jean-Pierre nous rappelle que, contrairement aux pronostics des laboratoires régionaux qui avaient mesuré une faible teneur en azote dans les raisins, les fermentations n'ont pas été difficiles et se sont très bien passées. Amateurs de vins secs, réjouissez vous !
Découverte en cave des Pinot Noir, dont le Strangenberg aux tannins toujours puissants. Récolté tard, égrappé à 90%, il vient de terminer sa fermentation malolactique. Robe sombre et trame serrée, matière sèveuse mais encore austère.
Puis les Riesling, Bihl précis et cristallin, Cuvée Précieuse à la densité saline accompagnée d'arômes de pamplemousse et de fumé, Grand Cru Vorbourg digeste et tendu qui revient sans cesse. Tous sont parfaitement secs.
Pinot Blanc viril destiné à une mise de Printemps, Gewurztraminer Bergweingarten rond mais sans sucrosité excessive, Rot Murlé claquant, sec et gastronomique, Grand Cru Eichberg élégant, léger et aérien malgré les 50 grammes de sucres résiduels et 14° d'alcool.
Quelques 2006 poursuivent sans stress leur élevage dans les foudres de chêne de la vaste cave. Comme ce Pinot Gris qui "fermentouille" calmement et transforme ses derniers sucres après 20 mois de cave. Comme tous les autres vins, sauf rare exception, il n'a pas été sulfité et ne le sera qu'à la mise sauf si Jean-Pierre décide de l'embouteiller comme tel, après une très légère filtration.
Mais passons aux vins en bouteille. Depuis 2002, ils sont tous obturés par une capsule couronne qui apporte jusque là une totale satisfaction au vigneron et à ses clients. Les vins sont, comme à l'habitude, servis à l'aveugle et sans aération. Bien entendu, pas de déviation liégeuse et des vins qui s'ouvrent rapidement après quelques minutes dans le verre. Aucune réduction n'est à mettre sur le compte de ce type de bouchage, comme une dégustation comparative réalisée l'année dernière l'avait déjà prouvé.
Et pour commencer un Chasselas 2006 au nez vineux de vieux Champagne.Récolté tard, son état sanitaire semblait laisser à désirer et pourtant vinifié et mis en bouteille sans soufre. Il offre un vrai plaisir gourmand et une évidence remarquable de simplicité.
Sylvaner 2005 au premier nez oxydatif qui s'ouvre sur le fruit à l'aération. Expression ravissante de vin parfaitement naturel. Preuve qu'un vin nature, n'est pas, comme l'affirme sur les ondes un certain journaliste, obligatoirement du vinaigre.
Riesling 2004, mis en bouteille en 2006, un vin vif avec du retour et de la digestibilité. Du grain et de la densité, un carafage serait préférable, le vin est loin d'être à son apogée. Toujours pas de soufre à la mise et une jeunesse insolente. Plus de 22 mois sur lies sans protection ne seront pas venus au bout d'un jus capable de créer ses propres défenses contre l'oxydation, signe d'une viticulture de grande qualité.
Puis vient le moment de comparer le même vin dans deux versions. La première sans soufre, la seconde avec seulement 2 grammes à la mise.
Deux grammes qui changent tout.
Autant la version sulfitée du Riesling Rot Murlé 2002 se livre, autant,sans ajout de soufre, le vin se défend. Les deux vins expriment le fruit mais dans des registres différents, plus démonstratif dans la version "avec", plus profond et minéral dans la version "sans".
Le Pinot Noir Strangenberg 2002 montre quant à lui deux visages. Fruité et ouvert "avec", il est plus serré et charnel "sans". Mais ce qui surprend, comme pour le Riesling précédent, c'est un changement profond du mode de fonctionnement du vin. Le soufre a modifié la perception tannique en la rendant plus asséchante "sans".
Si les avis sont partagés et les ressentis différents selon les approches de chacun, tout le monde s'accorde pour reconnaitre dans ces vins une profondeur, une sincérité et surtout une recherche de l'essentiel. Rien de démonstratif, ni d'ostentatoire, l'évidence parfaite.
Evidence qui se passe d'analyse, même si l'on s'éloigne des standards que veulent imposer les cracheurs-noteurs qui font l'opinion.
Par cette approche, nous avons été sensibilisés à ces petits riens qui changent tout. Deux grammes de soufre par hectolitre, 2 grammes de silice ou 2 litres de désherbant par hectare modifient profondément le fonctionnement des vins et des sols, il est nécessaire d'en prendre conscience.