A un peu plus de trois mois du début des vendanges 2010, puisque suivant les secteurs, la période de floraison est plus ou moins largement entamée, j'ai souhaité revenir sur les 10 derniers millésimes alsaciens.
Pour cela je suis allé retrouver Jean-Michel SPEICH, oenologue conseil à la Chambre d'Agriculture du Bas-Rhin, que je vous avais déjà présenté précédemment, afin de recueillir son avis et de le confronter avec le mien.
Etablir un bilan des millésimes n'est pas chose facile pour plusieurs raisons. D'une part parcequ'il est parfois délicat de vouloir généraliser même sur un secteur relativement petit comme celui de l'Alsace. Ainsi on constate sur les plus récentes années que Haut et Bas-Rhin n'ont pas toujours bénéficié de conditions identiques surtout du point de vue de la pluviométrie. D'autre part, dans un millésime globalement moyen, il y a toujours ceux qui ont su tirer partie de la météo et faire les bons choix en termes de date de vendanges.
Comme je suis rarement en accord avec les évaluations publiées dans les revues dites spécialisées, je suppose que mon avis ne fera pas l'unanimité, cependant je constate que Jean-Michel et moi n'avons une différence d'appréciation que sur un millésime.
2009 : Un Printemps précoce et chaud après un été assez froid. La floraison s'est étendue sur une très longue période et une fois de plus le Muscat a coulé sans toutefois aller dans les proportions de l'année précédente. Juillet et aout ont été très chauds et l'arrière saison particulièrement ensoleillée.
Les acidités pour lesquelles on a pu craindre pendant un certain temps se sont maintenues à un niveau raisonnable surtout dans le Bas-Rhin qui a moins souffert de la sécheresse que le secteur plus au Sud ou dans la plaine on a constaté des blocages de maturité. La vendange est restée saine, peu altérée par le botrytis.
Les plus belles réussites vont au cépage Pinot Noir. Riesling et Sylvaner sont satisfaisants. Gewurztraminer et Pinot Gris sont souvent marqués par des amertumes et des finales peu élégantes. Très peu de vendanges tardives car à partir de fin octobre les conditions se sont dégradées et les maturités ne sont plus montées. 2009 est un millésime typiquement chaud qui a priori ne se présente pas comme un millésime de garde avec des vins puissants qui évoluent assez vite.
2008 : Le style classique alsacien dans toute sa grandeur. La floraison a été perturbée mais finalement seul le Muscat a coulé et donné une toute petite récolte. Une saison parfaitement équilibrée sans excés de chaleur ni de pluviométrie. Une belle arrière saison avec des matinées fraîches et des journées ensoleillées. Parfait état sans botrytis.
La marque du millésime se retrouve dans les acidités puissantes, tartriques donc gourmandes, toujours parfaitement intégrées dans la matière et dans les équilibres secs que l'on retrouve le plus souvent.
Les jus se sont immédiatement très bien goûtés. Les vins ne sont pas à priori charmeurs mais ils possèdent un fond et des expressions minérales d'exception. Tout est réussi surtout le Riesling. 2008 est un grand millésime de garde dont nous pourrons je l'espère confirmer le potentiel dans quelques années.
2007 : Un printemps précoce et chaud qui fait craindre à un remake de 2003, un été moyen et un mois de septembre qui a commencé sous la pluie. Beaucoup de vignerons se rapellant le millésime précédent se sont précipités pour récolter et ont rentré des vins qui manquaient de maturité. En réalité les pluies ont permi la reprise de l'évolution des maturités et le très beau temps qui a suivi au cours du mois d'octobre a provoqué de nombreuses surmaturités. Dans les terroirs lours et profonds on a pu constater des montées d'un degré en seulement 2 jours.
L'état sanitaire est resté parfait jusqu'à tard dans la saison sans botrytis. La grande difficulté dans ce millésime a résidé dans le choix de la date des vendanges pour récolter des raisins mûrs mais sans excés.
Les 2007 sont opulents et capiteux avec de belles acidités bien marquées mais ne possèdent le fond des 2008. Ce millésime s'est immédiatement bien goûté et continue aujourd'hui à se montrer gournmand et facile.
Très grosse production de vendanges tardives sans intérêt que l'on retrouve actuellement sur le marché à des prix très bas.
Comme dans toute chose il y a le contre exemple avec André Ostertag qui a réalisé des VT et SGN d'exception marquées par un botrytis d'une grande qualité.
2006 : Sauve qui peut ! Pourtant tout se présentait pour le mieux mais les pluies accompagnées d'une chaleur lourde et persistante ont plongé l'Alsace dans un climat tropical. En quelques jours la pourriture grise a envahi le vignoble, vite accompagnée par de la pourriture acétique.
Il a fallu tellement trier que la récolte n'a pas été fameuse tant en qualité qu'en quantité. C'est véritablement un millésime pour les oenologues qui ont fait de bonnes affaires en vendant les produits nécessaires pour "nettoyer les vins.
Même chez les meilleurs, les notes de champignons marquent le millésime. En ce qui me concerne, je passe mon tour.
2005 : C'est a aujourd'hui le dernier millésime où l'on a pu trouver un botrytis d'aussi grande qualité de façon quasi généralisée. Superbe arrière saison, vendanges ensoleillées avec des matins frais et brumeux. Les acidités tartiques sont bien équilibrées, sans excés.
Tous les cépages des plus précoces aux plus tardifs ont bénéficiés de conditions idéales. Les rendements ont été raisonnables et la qualité au rendez-vous.
2005 est un millésime de garde que l'on peut ouvrir dés à présent mais que je conseillerais d'attendre encore quelques années pour les plus belles bouteilles. Les VT et SGN sont d'un niveau exceptionnel grace à la qualité du botrytis et à la maturation très lente en fin de saison.